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Réussir l’indispensable intégration africaine

Faire du 21ème siècle, le siècle de l’Afrique.

L’intégration politique et économique du continent africain reste l’un des grands projets de l’Afrique depuis les premières années des indépendances. Il est permis de dire que les intentions d’intégration de nos pères, du moins, une bonne partie d’entre eux, ont précédé tout acte de transfert de souveraineté aux peuples africains par le colonisateur.

Même s’il est à admettre l’existence de velléités nationalistes et communautaristes, le concept de « l’Afrique des Peuples » a toujours été un chantier auquel des fils du continent ont dédié leur vie et souvent jusqu’au sacrifice ultime.
Les enjeux géopolitiques et géostratégiques que sous-tend cette intégration aussi bien pour les africains que pour les ex-colonisateurs, expliquent ce jeu asymétrique de lutte latente entre pro et anti-intégrationnistes.

Deux conceptions idéologiques de l’intégration africaine, notamment entre les chefs d’État qui présidaient aux destinées des peuples africains à l’aube des indépendances dans les années 1 960, se sont affrontées. D’une part, il y avait ceux dits du groupe de Casablanca qui prônaient la consolidation d’une unité politique, sous une forme d’États-Unis d’Afrique. Le Président Kwame Nkrumah, l’un d’eux, a bien exprimé cette vision du régionalisme et de l’unité africaine quand il écrit : « Nous sommes des Africains et rien que des Africains, et nous ne pouvons poursuivre notre intérêt qu’en nous unissant dans le cadre d’une Communauté africaine ». D’autre part, il y avait ceux, dits du groupe de Monrovia, dont la conception de l’unité africaine aurait abouti à la création de l’OUA comme organisation d’États souverains et qui s’engagent à respecter cette « souveraineté », à l’instar de l’ONU. On peut dire que la création de l’OUA et de diverses organisations sous régionales atteste d’une certaine Vision et désir de construction d’un autre destin, mieux, d’un antidestin d’une Afrique unie, forte et respectée.

Si pour beaucoup de dirigeants africains, le plus difficile était de s’affranchir du joug colonial que de réussir l’intégration qui devrait aller de soi, ils se rendront très tôt compte que bien des écueils et pas des moindres, entravaient ce chemin.
Parmi les obstacles à l’intégration africaine les plus farouches, figurent :

  • les égoïsmes africains, la soif de pouvoir d’une certaine classe de roitelets, les calculs hégémoniques des colonisateurs qui voyaient un acquis leur filer entre les doigts,
  • les appartenances multiples de plusieurs États africains à différentes Communautés Economiques Régionales (CERs) et aux différents « partenaires bilatéraux spéciaux » en dehors de l’Afrique et l’impact de cette situation sur la véritable intégration du continent ;
  • l’immixtion ou plutôt l’ingérence étrangère, qui explique en partie le climat d’instabilité et de crimes politiques, toute chose qui fait d’une bonne partie de nos économies, des économies de guerre et d’oligarchie ouvrant ainsi le champ au terrorisme sous toutes ses formes.
  • La diversité des pôles d’allégeance des États africains en dehors de l’Afrique souvent source d’instabilité politique. Il s’agit surtout des deux blocs, américain et soviétique, respectivement porteurs des idéologies capitaliste et socialiste.

Face à la globalisation accélérée caractérisée par une concurrence féroce, l’intégration reste l’une des meilleures armes qui assurent sécurité et prégnance aux Etats. C’est une condition sine qua none pour donner une force de négociation à l’Afrique face aux autres pôles et ensembles politico-économiques du monde. C’est aussi l’alternative face à l’hégémonie des autres et qui profitent largement de nos richesses. Il est à rappeler que bien que disposant d’environ un tiers des richesses naturelles du globe, soit plus de 30%, notre continent ne crée guère plus de 5% des richesses mondiales. C’est le paradoxe de la pauvreté assise sur la richesse. Comment comprendre qu’après plus de 500 milliards de dollars US d’aide injectée en Afrique pendant un demi-siècle, le besoin d’aide du continent reste encore plus pressant.

Il est plus que nécessaire que l’Afrique s’affranchisse et refuse le récit de son histoire écrite par les autres. Elle doit tout simplement écrire son propre récit, pour paraphraser WOLE Soyinka, premier africain, Prix Nobel de littérature. A ce titre, nous proposons ici non comme une recette mais comme des pistes explorables :

1. Une diplomatie intégrative et offensive : Il s’agira d’une refondation du cadre des affaires qui favorise la libre circulation des personnes et des biens. Il faut que les échanges intra africains prennent le pas sur les échanges avec d’autres continents. Il est à noter, selon un rapport de la Banque Mondiale, que les échanges entre pays africains ne représentent guère qu’environ 13% de l’ensemble des échanges du continent.

2. Un autre axe sera le développement des voies de communications qui interconnectent les Etats et minimisent les effets de la balkanisation. Notre conviction est que, comme le dit l’autre « la route du développement passe par le développement de la route ».

L’UA, comme symbole de cette volonté, de ce désir de synergie, sera optimisée pour une avancée significative dans la voie de l’intégration.

3. La gouvernance démocratique doit être un chantier phare eu égard à la triste réalité d’un continent victime d’amateurisme pitoyable et consternant. Sinon comment comprendre le retard de l’Afrique face à certains pays comme la Chine dont le PIB au moment de nos indépendances était inférieur ou égal à celui de nombre de pays africains y compris le nôtre. La réponse se trouve dans la mauvaise gouvernance de nos Etats et de nos institutions. Il s’agira, de travailler à une réforme des institutions africaines pour faire d’elles les instruments qui participent de cette nécessaire intégration intra-africaine.

4. Un climat sécuritaire maîtrisé : l’insécurité en Afrique est largement liée à l’absence de réponse continentale commune et concertée. La persistance d’AQMI dans la bande sahélo-sahélienne et des autres mouvements de cet ordre, est alimentée par ce manque de synergie. Il nous faut travailler à apporter une réponse durable aux défis d’insécurité et d’instabilité dans le continent, de quelques ordres qu’ils soient. C’est un défi à la fois existentiel et identitaire.

5. Le continent travaillera à opérer une révolution énergétique basée sur les énergies propres renouvelables. Le potentiel éolien et solaire de l’Afrique est le plus important dans le monde, de quoi lui permettre un jour d’exporter cette énergie en dormance.

L’Energie est une des matières premières du développement. Comment ne pas s’offusquer face à la faible couverture énergétique du continent malgré un potentiel à nul autre pareil. Aussi, le Chercheur français Jacques Attali fait-il bien de rappeler qu’en 1910, plus de 80% des foyers américains étaient électrifiés. Plus de 100 ans après, plus de 80% des foyers africains ne sont pas électrifiés. Mon pays, le Mali, malgré son appartenance à un ensemble economico-energetique, l’Organisation pour la Mise en Valeur du fleuve Sénégal (OMVS), reste, avec les autres pays membres, parmi les moins nantis en matière de couverture énergétique. Leur moyenne ne dépasse guère 15%, faisant de cet outil de développement un luxe pour les populations.

Sans politique volontariste énergétique et de voies de communication, le développement tant recherché restera un leurre, un vain mot. Et Albert Meister aurait toujours raison de poser la question qui dérange : L’Afrique peut-elle partir ?

6. La recherche et développement : Il est impérieux de travailler à l’émergence de centres de recherches, des « Think Tanks » à l’image de ces réservoirs d’idées qui ont fait le prestige de certains pays comme les Etats-Unis d’Amérique. Autant aucune institution, aucun Etat ne peut avancer durablement sans la recherche-développement, autant les continents doivent leur développement équilibré aux produits de la recherche et à leur capitalisation.

La mise en route de ces chantiers permettra à l’Afrique de compter, de prendre la place qui est la sienne dans un monde qui impitoyablement laissera moins de chance à ceux qui se méprennent sur les réalités d’une mutation irréversible.

Puissions-nous comprendre la Vision de ceux des Pères Fondateurs dont les cœurs battaient à l’unisson pour l’Afrique et avoir le courage des allemands pour enfin démolir ses murs de la balkanisation que beaucoup trop de nos frères africains affectionnent encore.

Nous osons croire au « Must Africa » parce que comptons sur l’émergence de cette nouvelle race de leaders qui fasse honneur au potentiel du continent et qui se hisse enfin à la hauteur du génie de ses peuples.

Marc Otozié GOITA, Consultant, Expert en Développement Institutionnel.

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